Général François RONDOT   

 

L'Union Nationale des Combattants (UNC) de Seine-et-Marne compte un Général dans ses rangs.

  Rencontre avec le général François Rondot, Administrateur de l'Union Nationale    des Combattants de Seine-et-Marne (77).

                                       Cet officier général, au parcours militaire riche et atypique, chevalier de la Légion d'honneur et officier de l'ordre national du mérite, ayant notamment servi au titre des Opérations Extérieures (OPEX), sous mandat ONU en ex-Yougoslavie entre 1993 et 1994, nous retrace son parcours et son souhait de voir l'UNC accueillir plus de combattants issus des générations qui ont été engagées en OPEX.

Journaliste du Magazine (JM): Mon Général, pourriez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?


Gal : Mes parents étaient tous deux sous-officiers dans l'armée de terre. Mon père était ancien combattant d'Indochine et d'Algérie. Je les ai d'ailleurs accompagnés en Afrique du Nord et suis rentré avec eux en 1962, j'avais alors 8 ans. Mon épouse a fait également une carrière de sous-officier au sein du Ministère de la Défense, puis de l’Intérieur. Parmi mes aïeux, on trouve d'anciens résistants ou d'anciens prisonniers de guerre. Mon grand-père paternel a fait la campagne de France et de Belgique, avant d'être fait prisonnier et mon grand-oncle fut une figure du maquis autunois. Un comité d'anciens des Francs-tireurs et partisans (FTP) lui rendait  hommage régulièrement, il y a encore quelques années. Une vraie fibre patriotique m’a toujours animé. Pendant mes études universitaires à Versailles où mes parents étaient en garnison, j'ai suivi une préparation militaire supérieure (PMS) en vue de faire mon service militaire comme Aspirant. Appelé sous les drapeaux en 1976, et après mon peloton préparatoire d’élève-officier de réserve, j'ai servi comme chef de détachement à Saint-Florentin dans l'Yonne. À l'issue, l'attrait pour une carrière militaire m'a conduit à poursuivre, dans la voie du service des armes, en intégrant l’École Militaire Interarmes (EMIA) de Saint-Cyr Coëtquidan.

Ma carrière d'officier d'active dans l'armée de terre fut alors une alternance d'affectations en unités et en états-majors.

 

JM : Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur votre parcours professionnel et en particulier sur votre engagement en OPEX ?

Gal : Officier d'active, j'ai servi en Allemagne (ex-RFA) pendant 3 ans au sein du 2ème Corps d'Armée et cela jusqu'en 1985. Pour mémoire, nous étions encore dans la période de la "guerre froide". Après un commandement au grade de capitaine à Lyon, j'ai accompli, au début des années 90, différentes fonctions d’état-major en région parisienne dans le domaine de la maintenance opérationnelle des équipements de l'armée de terre. C'est au grade de commandant que je pars en mission extérieure dans le cadre de la guerre balkanique qui oppose la Croatie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. Cette dernière vient à son tour de demander son indépendance. Dans ce contexte particulièrement sensible, je suis chargé par l’État-major de la Force de Protection des Nations Unies (FORPRONU) de veiller à l'équipement et à l'approvisionnement militaire des bataillons des pays contributeurs engagés sur le théâtre (Grande-Bretagne, Espagne, Népal, Russie, Ukraine, Pologne, Jordanie, Belgique, Canada, Suède, Pays-Bas,  France,....etc.) Cela représente alors une force d’environ 35 à 40 000 hommes. Le suivi et le contrôle de la capacité opérationnelle des différents bataillons ainsi déployés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie m'ont conduit à parcourir, en zones de combats souvent intenses, toutes les différentes implantations de ces unités. De Ljubljana (Slovénie) en passant notamment par Split (Croatie), Sarajevo et Mostar (Bosnie), Belgrade (Serbie) et Zagreb (Croatie), je crois être l'un des rares privilégiés à avoir pu traverser ce conflit d'Est en Ouest et du Nord au Sud.

JM : Pourriez-vous nous donner un exemple de situation particulière que vous avez connue lors de votre mission sur place ?

Gal : Effectivement, dans ce genre de conflit, on est amené à connaître, parfois, des circonstances cocasses qui, à y bien réfléchir, pourraient se transformer rapidement en des situations dramatiques.

Ainsi, au début du conflit et lors de l'implantation des forces onusiennes sur le théâtre, nous disposions d'une ancienne caserne de l'armée Yougoslave dans la banlieue de Belgrade à Pančevo. Les relations tendues entre l'ONU et la Serbie avaient conduit au transfert des militaires et des équipements de cette unité vers Zagreb. La Serbie étant considérée comme l'agresseur vis-à-vis des séparatistes Croates, puis Bosniaques, il n'avait été laissé sur place que quelques équipements et, de mémoire, une section de soldats jordaniens pour assurer la sécurité de la caserne. À la demande de ma hiérarchie, j’effectue donc une mission à Belgrade dans le but de faire rapatrier les équipements et les soldats de l'ONU encore sur place.

Pendant mon séjour, les tensions avec la Serbie deviennent palpables et prennent une tournure plus agressive, l'OTAN menace alors de bombarder la Serbie. Je me trouve, de facto, avec mon équipe en zone hostile, avec le risque d'être soit pris sous les bombardements alliés, soit condamné à servir d'otage pour les autorités Serbes, afin que l'OTAN renonce à des frappes aériennes. La seule solution était donc de s’échapper de la Serbie au plus vite, ce que nous avons fait dans les plus brefs délais, au nez et à la barbe des militaires Serbes.

JM : Par la suite, vous avez choisi, semble-t-il de quitter l'armée de terre ?

Gal : Ce ne fut pas immédiat, mais cela est exact. De retour en état-major après cette "Opération Extérieure", j'ai été nommé lieutenant-colonel, puis affecté à Fontainebleau, en tant que commandant en second, dans un organisme en charge de la logistique opérationnelle, notamment pour l’approvisionnement des formations ultra-marines de l'armée de terre. Nous sommes encore dans la trajectoire de la fin de la guerre froide et du changement inéluctable de format des armées françaises qui en résulte. Je prends alors conscience que cela va conduire à des réductions d'effectifs inévitables et à des évolutions majeures de nos parcours professionnels.

A la même époque, la gendarmerie nationale recherchait des officiers experts du domaine logistique, afin d'enrichir sa propre filière. Le challenge m'est apparu intéressant. J'ai donc candidaté et rejoint la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN) en 2000.

JM : Il s'agissait d'une remise en cause professionnelle profonde, compte tenu des champs de compétence opérationnelle très différents de chacune de ces forces armées. Comment avez-vous vécu ce transfert en gendarmerie?

Gal : Ce fut, sans doute, l’expérience la plus passionnante et riche de toute ma carrière. Affecté comme chargé de missions à la DGGN, j'ai été associé immédiatement à des projets cruciaux, en termes d’organisation et d'équipements, impactant la gendarmerie. Le chargé de missions étant un interlocuteur privilégié du cabinet du Ministre, il traite de toutes les problématiques transverses et pilote, souvent en propre, des dossiers importants nécessitant le concours de différents services au sein de la direction générale.

JM : Pourriez-vous nous donner un exemple de votre action à l'époque ?

Gal : J'ai porté, entre autres, le projet de restauration des capacités opérationnelles du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN). En clair, après l'assaut avec succès du 26 décembre 1994 par le GIGN d’un airbus avec prises d'otages à Marignane, s'est posé concrètement la question des moyens susceptibles d'être mis en œuvre par cette unité anti-terroriste. En d'autres termes, il s'agissait d'étudier, en liaison avec les militaires de cette formation, la modernisation de leur équipement individuel et collectif. Ce fut un dossier particulièrement intéressant qui m'aura permis d'apporter à ces militaires d’élite ma contribution en termes d’expérience de logisticien opérationnel.

JM : Cette expérience particulière que vous aviez acquise au sein de l'armée de terre, avez-vous pu la faire valoir à d'autres occasions en Gendarmerie ?

Gal : En 2002, je suis muté à Nouméa pour occuper les fonctions d'adjoint logistique du Commandant de la Gendarmerie (COMGEND) en Nouvelle-Calédonie. Cette affection se produit quelques jours après que le Commandant du Groupement de Maintien de l'Ordre (GOMO) soit très grièvement blessé par balle lors d'affrontements à la tribu de Saint-Louis (proche banlieue de Nouméa). Traditionnellement, les conflits sociaux ou ethniques ultra-marins dégénèrent rapidement en affrontements violents. De surcroît en Nouvelle-Calédonie, les événements de quasi guerre civile des années 80 sont toujours dans toutes les mémoires. Les émeutes de la tribu de Saint-Louis qui suivirent cet événement dramatique durèrent jusqu'à la fin 2003 et ont conduit à plus de 600 tirs directs par armes à feu contre les gendarmes. À peine arrivé sur le territoire, j'ai dû identifier les équipements et les moyens nécessaires à un conflit de cette nature et rentré en Métropole pour exposer au Major Général de la Gendarmerie les besoins indispensables en matériels, afin de pouvoir conduire cette mission de maintien de l'ordre dans des conditions garantissant à la fois, la sécurité des gendarmes engagés et l'objectif de réussite de la mission par retour à une situation apaisée sur le territoire.

JM : Après ce séjour ultra-marin, vous avez été réaffecté en métropole ?

Gal : J'ai été nommé Colonel en 2004 et fait chevalier de la Légion d'honneur la même année. J'ai rejoint la DGGN sur le même poste de chargé de missions que j'avais quitté trois ans auparavant pour participer à la mise en œuvre, dans le domaine logistique, au rattachement organique de la gendarmerie nationale au Ministère de l'Intérieur. La gendarmerie était jusqu'en 2008 l’une des composantes du Ministère de la Défense, la loi organique de 2009 marquait son transfert, en tant que Force armée, au Ministère de l'Intérieur.

Finalement en 2010, j'ai effectué un temps de commandement de chef de corps dans l'Indre et ait été nommé général en décembre 2014.

JM : Vous êtes titulaire de la croix du combattant au titre des Opérations Extérieures, pourquoi avoir rejoint l'Union Nationale des Combattants ?

Gal : Les générations d’anciens combattants passent et celle d'Indochine et d'Algérie va s'éteindre progressivement. Le devoir de mémoire doit se perpétuer à travers ceux qui ont eu l'honneur de porter fièrement l'uniforme militaire et de servir sous les couleurs de la France.

Aujourd'hui, la génération des combattants que l'on nomme celle de la "4ème génération du feu", et à laquelle j’appartiens, porte la responsabilité de transmettre et promouvoir les valeurs de liberté, de solidarité et de souvenir à celles qui vont suivre. L'esprit patriotique doit survivre pour que le sacrifice de nos aînés n'ait pas été vain. La France s'est construite sur les hommes et les femmes, quelles que soient leurs origines, qui se sont battus pour qu’elle reste la France, c'est à dire une nation libre et indépendante.

Mon engagement auprès de l'Union Nationale des Combattants de Seine-et-Marne et de mon Président, Louis-René Theurot, s'inscrit dans cette démarche, celle des combattants OPEX. Mon nouveau combat, aujourd’hui, est d'inciter nos camarades combattants, dont beaucoup sont encore en activité, à venir nous épauler. Peu importe le grade, le théâtre d'opération, l'essentiel est de perpétuer notre adhésion aux valeurs républicaines. L'UNC est intergénérationnelle et apolitique, ce qui en fait une association riche d’expérience, de dévouement et de solidarité.

J’appelle les combattants OPEX à nous rejoindre au sein de l’UNC, pour que le flambeau de l'amour de la Patrie et du service de la Nation reste éternellement allumé dans le cœur des Français.